Jardin
Du 22 juin au 23 septembre
Les jardins ethnobotaniques de Salagon vous racontent les liens tissés entre les sociétés et les plantes et vous invitent à une découverte sensorielle unique. Chaque saison, au travers de ce billet, nous vous dévoilons une plante ou un aspect des jardins pour mieux les comprendre.
La lavande vraie est une plante méditerranéenne d’altitude. On peut la retrouver dans la nature en France, Espagne et Italie, les plus grands peuplements se trouvant en Provence.
La lavande a plusieurs cousines, il existe une quarantaine d’espèces du genre Lavandula, mais en France, seules 3 espèces peuvent être observées dans la nature :
S’ajoute à ces 3 plantes, le lavandin, Lavandula x intermedia. Formé par l’hybridation naturelle ou de la main de l’homme entre Lavande vraie et lavande aspic. Le lavandin prend des caractères de l’une et de l’autre, et forme une grosse plante aux fleurs bleu violet, qui produit 3 à 6 fois plus d’huile essentielle que la lavande vraie, avec néanmoins un parfum moins fin. Il compose la plupart des champs de lavande en Provence.
La carte postale du champ de lavande en fleur représente dans l’inconscient collectif le paysage du Sud de la France par excellence. Pourtant, si l’utilisation en parfumerie et cosmétique de la lavande vraie remonte à l’antiquité, sa culture sous forme de champ ne date que du début du XXe siècle. Elle fait suite à l’augmentation de la demande venant de Grasse, où l’activité des distilleries et parfumeries était en plein essor. Avant cette période, la lavande était le plus souvent récoltée dans les collines.
La culture du lavandin a commencé à partir d’hybrides sauvages, trouvés dans des zones de contact entre lavande vraie et aspic. Elle s’est accentuée jusqu’à devenir majoritaire (20 000 Ha de lavandin en France pour 5 000 de lavande), car plus productive.
La France, un temps productrice principale, ne représente plus qu’un quart de la production mondiale. L’Espagne, la Chine, et les Pays d’Europe de l’Est prennent de l’importance et notamment la Bulgarie qui est devenue le premier pays producteur mondial en 2014.
L’une des causes de ce changement, outre l’engouement mondial pour son parfum qui a lancé la production d’autres pays, est la présence d’une bactérie destructrice des cultures sur notre territoire qui a mis en difficulté la production française. Cette bactérie, le phytoplasme de Stolbur, est transmise par la piqure d’un insecte appelé la cicadelle, qui se nourrit de la sève des plantes, le pied atteint se dessèche alors entièrement.
Pour faire face à ce ravageur, qui limite les cultures depuis les années 80, on sélectionne en Provence des variétés résistantes, notamment au CRIEPPAM, centre de recherche spécialisé. Ainsi les variétés cultivées évoluent depuis les années 50, les plus sensibles au phytoplasme sont remplacées, mais celles qui supportent mal le réchauffement climatique aussi. Une variété intéressante pour la culture doit produire une huile essentielle de bonne qualité, avec un bon rendement, et une bonne résistance en culture (phytoplasme, sécheresse, …). Ces trois paramètres pouvant varier selon la destination de la production, par exemple on privilégiera la qualité au rendement pour un usage médicinal même si un équilibre est toujours nécessaire.
Les pratiques de culture sont aussi en pleine évolution. Pour limiter l’effet du dépérissement, et celui de l’érosion du sol, les agriculteurs pratiquent de plus en plus le semis entre les rangs de lavandes, semis d’une autre culture comme les céréales par exemple, ou semis de couvert végétal destiné à tenir et améliorer le sol. En effet les cultures hautes comme les céréales permettent de limiter le déplacement de la cicadelle et divisent par deux les effets du dépérissement. D’autre part, le sol couvert empêche l’érosion. Les résidus de culture enfouis dans le sol l’enrichissent peu à peu. Dans un contexte de réchauffement climatique, ces pratiques contribuent vertueusement au stockage du carbone dans le sol, et limitent les apports d’engrais.
Tous ces changements contribuent à faire évoluer le paysage, vers des champs plus mixtes, on voit des lignes de lavandes alternées avec de l’herbe, avec de la moutarde, ou du blé. Parfois des champs alternent lavandes et immortelles. On part des sols nus vus comme « propres », vers des sols vivants plus durables. Ainsi est forgée la carte postale de demain.